Bourse : les estimations de bénéfices marquent le pas face au risque de récession
jeudi 17 nov. 2022, source : Journal Les Echos
Les entreprises ont globalement
publié des résultats en hausse au
troisième trimestre, mais les signes
de ralentissement abondent.
l Avec des marges déjà sous pression,
les bénéfices devraient marquer
le pas l’an prochain. L’ambiance s’est allégée sur les marchés
ces dernières semaines. Le
rebond significatif des grands indices
boursiers depuis le début du
mois d’octobre en témoigne : 11 %
pour le S&P 500 américain et jusqu’à
près de 15 % de hausse pour le
CAC 40, qui se retrouve à son niveau
le plus élevé depuis la mi-août. Le
ralentissement de la hausse des
prix outre-Atlantique a clairement
joué, mais aussi la publication de
résultats d’entreprises meilleurs
que prévu pour le troisième trimestre.
Le dernier décompte de JP Morgan
fait état de bénéfices supérieurs
de 4 % à 5 % par rapport aux attentes
des analystes, en Europe comme
aux Etats-Unis, grâce notamment
aux superprofits des majors pétrolières
comme Shell ou BP. Lorsque
l’on exclut l’énergie, la croissance
des bénéfices passe de 25 % sur un
an à seulement 6 % au sein de
l’indice STOXX 600 paneuropéen. Il
suffit en effet de gratter un peu la
surface pour trouver des signes
clairs de ralentissement.
Des deux côtés de l’Atlantique, les
chiffres d’affaires ont crû nettement
plus rapidement que les profits. Les
marges se compressent, ce qui n’est pas surprenant dans un contexte
inflationniste. Les prix des intrants
montent, à commencer par l’énergie
mais aussi les coûts salariaux,
alors qu’il devient plus difficile de
relever les prix.
« Beaucoup d’entreprises parlent
encore de monter les prix, notamment
en Europe, mais ces hausses
ont plus de mal à passer », souligne
Alexandre Hezez, de Richelieu Gestion.
La banque américaine Goldman
Sachs s’attend ainsi à ce que la
hausse des coûts maintienne les
entreprises sous pression, et voit les
marges du S & P 500 hors énergie
tomber d’un record historique de
12,7 % en 2021 à 11,3 % en 2023.
Ralentissement
ou récession
Certaines entreprises semblent
encore épargnées : dans le luxe par
exemple, la clientèle n’est pas très
sensible aux hausses de prix. Mais
toutes n’ont pas cette chance. Saint-
Gobain chiffre à 3 milliards d’euros
la hausse de ses coûts en énergie et
matières premières cette année.
Pour y faire face, le groupe a encore
augmenté ses prix de 15 % au troisième
trimestre, mais a dû accepter
en contrepartie une chute de ses
volumes de ventes de 1,6 %.
Le risque est que la baisse des
volumes s’amplifie, en particulier
en cas de récession. Certains secteurs
sont déjà confrontés à un environnement
plus difficile, notamment
les semi-conducteurs. Le
secteur « semble avoir été surpris
par la chute de la demande finale »,
expliquent les analystes d’AlphaValue,
mais « il est peu probable qu’il
sera le seul à découvrir un monde où
les baisses de volumes ont tendance à
être aggravées par une baisse des
prix ». Lorsque la demande disparaît,
les entreprises cherchent en
effet à écouler leurs stocks, quitte à
casser les prix et à rogner sur les
marges.
Les analystes ont déjà commencé
à raboter leurs estimations
de bénéfices. A petits pas pour le
moment : ils ont abaissé leurs attentes
de bénéfices pour 2023 de 3,5 %
au sein du S&P 500 depuis fin juin,
et de 2,2 % en Europe depuis le pic
de début octobre. La baisse va probablement
se poursuivre, mais son
ampleur reste incertaine. Tout
dépendra de la sévérité du ralentissement
économique à venir.
Sur cette question, les économistes
restent très partagés. Certains
s’attendent à un ralentissement
temporaire et superficiel, avec une
baisse limitée des profits. Citi évoque
un fléchissement de 3 % aux
Etats-Unis et une contraction de
10 % en Europe, très loin de l’effondrement
provoqué par la crise
financière de 2008. Les profits
avaient alors reculé de plus de 60 %.
D’autres, à l’instar des analystes
d’AlphaValue, redoutent une récession
significative et un retour à la
tendance d’avant-Covid, ce qui
impliquerait une chute d’au moins
25 % des bénéfices en Europe.
Dans tous les cas, les Bourses
mondiales ne sont probablement
pas encore sorties d’affaire. « Lorsque
l’on entre en récession, le marché
actions s’effondre après que la Fed a
commencé à baisser ses taux, alors
que les profits chutent », a averti sur
Twitter Albert Edwards, le stratège
de Société Générale célèbre pour
son pessimisme
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